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 Courte histoire de notre patois

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Solène
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Solène


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MessageSujet: Courte histoire de notre patois   Courte histoire de notre patois EmptyDim 3 Juil - 19:29



Courte histoire de notre patois

par Fernand Merchez

Le picard est une langue

Le patois du Nord, couramment appelé chtimi ou chti, fait partie d'un ensemble plus vaste, qui en fait constitue une langue, et que l'on appelle le picard. Cette langue est l'une des 75 langues de France, elle est parlée pricipalement dans la Somme, le Pas de Calais et le Nord, avec quelques extensions dans le nord de l'Oise, l'ouest de l'Aisne et la wallonie en Belgique. Malgré des différences parfois importantes, un fond commun permet aux patoisants de ces régions de se comprendre.

Contrairement à une idée largement répandue, le patois n'est pas un charabia quelconque qui proviendrait du français mal dit ou déformé ; le patois est une langue au même titre que le français. Partant des mêmes bases ( celtiques, gauloises, germaniques et surtout latines, etc.. ) il a développé ses propres particularités, parallèlement au français parlé dans l'île de France et la Tourraine. De tous les dialectes ou patois romans, c'est à dire de tous les parlers locaux ou régionaux issus de la langue que parlaient les envahisseurs romains, un seul, a chez nous pris le dessus, c'est le français ; on peut donc dire que le français est un patois qui a réussi !!

Les premiers temps

Le picard est déjà présent dès le milieu du IXème siècle, dans les ' Serments de Strasbourg ' échangés en 842 entre deux des petits-fils de Charlemagne, où l'on trouve entre autres, le terme ' prindrai' comme on l'écrirait aujourd'hui, il est aussi présent, quelques années plus tard, dans la ' Séquence de sainte Eulalie ' dont on trouve la traduction sur ce site. Comme le provençal dans le sud, le picard eut, dans tout le nord de la France, son heure de gloire au Moyen-Age ; sous l'impulsion de nombreux écrivains dont les plus connus sont Adam de la Halle, Jean Bodel et Froissart, le picard prit alors de l'importance, bien au-delà de ses limites actuelles, mais, après le XVème siècle, la prééminence du français arréta l'essort du picard, qui rentra dès lors, dans le rang des patois régionaux.

Les temps modernes

De nos jours, et malgré les difficultés qu'il a dû vaincre pour survivre, notre patois est encore bien vivace, partout dans ses aires d'influence. Son principal ennemi a été bien sûr le français, l'école (!) et l'acharnement de nos maîtres à le bannir du langage parler et surtout écrit. Ce n'était pas un mal bien sûr, et aucun d'entre nous, surtout les 'vieux' qui baignions alors beaucoup plus dans la potion magique..aucun d'entre nous, je crois, ne viendrait critiquer cette oeuvre somme toute bénéfique. Cet acharnement de nos maîtres, n'était en fait, bien souvent, qu'un masque de facade, car, si vous grattiez quelque peu cette peau, vous retrouviez, chez ces mêmes maîtres, un amour véritable pour ce qui avait été aussi leur première langue. Ainsi, mon prof de français, en 3eme, au cours complémentaire dont il était aussi le directeur, tel un chasseur, tirait sans pitié sur tout ce qui n'était pas la belle langue de Molière, son arme était l'ironie, et parfois ses colères redoutables, mais....il ne cachait pas, ouvertement, au milieu d'un beau cours de français, son intention d'écrire une véritable encyclopédie sur le patois, il nous parlait des conjugaisons, des romains, des gaulois, etc...et l'on sentait que finalement, çà le passionnait tout autant, sinon plus, que le français bien léché !! Plus tard, à l'Ecole Normale, j'appris que ces grands maîtres, qui formaient les enseignants du futur, maniaient, eux aussi, joliment, la poésie patoisante. Finalement, l'ennemi principal de notre patois fut notre société elle-même, pour laquelle le patois avait un préjugé défavorable, la plupart des familles interdisant à leurs rejetons de parler comme ' pépere ' !! Mais le patois fut tenace, et, sournoisement, se maintint un peu partout dans notre société, surtout au niveau du langage parler, des bonnes histoires et des chansons. Que dire du futur, nul ne le sait, mais, sous l'impulsion des bretons, des basques, des corses, etc..et avec l'avènement des études universitaires sur le picard ou le chtimi, on peut imaginer que notre patois a encore de beaux jours devant lui, et surtout qu'il est de mieux en mieux étudié et disséqué.


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Solène
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MessageSujet: Re: Courte histoire de notre patois   Courte histoire de notre patois EmptyDim 3 Juil - 19:30



Les composantes du picard

Cette étude du picard ( dans lequel j'englobe tous les parlers du nord de la France ) n'est d'ailleurs pas le seul apanage des patoisants, aucun étymologiste sérieux ne peut se passer de ses apports, et l'on trouve chez les plus grands, de belles études sur les termes, les tournures et certaines des qualités du picard. Essayons de voir, hélas brièvement, quelles sont les principales composantes du picard qui sont, avec des proportions presque identiques, les mêmes que celles du français.

avant -800 : langues diverses parlées par les habitants de la future Gaule
vers -800 : peuplement par les gaulois, peuple celte de langue indo-européenne
de -100 à 500 après J.C. : conquète des romains et latinisation de la Gaule
du IIeme au VIème siècle : mélanges avec les envahisseurs germaniques, surtout dans le nord
du IIème au IXème siècle : christianisation, développement de l'ancien français
IX -Xème siècle : intermède normand ( Vikings )
V-XIIème siècle : vie féodale, fragmentation dialectale
XII-XVIème siècle : développement du français, François Ier impose le français ( Villers-Cotterêts )
Le gaulois :

Le gaulois faisait partie des langues indo-européennes de type celtique, le breton, le gallois et l'irlandais en étant les principales autres composantes. Les gaulois, hélas, écrivaient peu, et il nous reste très peu de traces de cette langue qui s'est éteinte définitivement vers la fin du VIème siècle. Dans le nord de la France, soumis de longue date aux invasions venues du nord et de l'est de l'europe, les gaulois ont laissé relativement peu de traces, celles-ci étant surtout localisées au centre et au centre-est de la France. Une étude exhaustive du ' gaulo-picard ' est encore à faire, mais on pourra, sur ce site, suivre quelques pistes, si celà intéresse les lecteurs !! Pour amorcer cette étude, donnons simplement deux mots, assez connus, issus de cette époque, il s'agit par exemple de 'braie = sorte de pantalon ' d'où est issu, assez directement 'brayette' puis braguette...et aussi ' bran = excrément ' d'où vient notre ' brin ' très connu dans le nord !!

La plupart des rares termes gaulois qui nous sont restés ( une centaine environ pour toute la France ) ont trait à la terre, à son travail, aux animaux et aux végétaux. Néanmoins, outre le souvenir de certaines peuplades ( Attrébates > Artois, Arras , Ambiens > Amiens, Bellovaques > Beauvais , etc... ), de nombreuses racines gauloises nous sont restées, repérables surtout dans les préfixes et suffixes associés aux noms de villes, villages et lieux-dits : qui devine le pommier dans Aveluy(59), le bouleau dans Belloy et Belleuse(80), le castor dans Beuvry(59), le village dans Boulogne(62), la grande clairière dans Mareuil(62) et Maroilles(08), le temple dans Nampont(80) et Nempont(62), etc...

Les invasions germaniques :

Sans compter les petites incursions localisées aux marches du peuple gaulois, on peut dire que le premier grand envahisseur fut le peuple romain, dès 120 avant JC, ils occupaient déjà le sud ( Provincia Narbonensis ), conquète que Jules César, en 58 avant JC étendit à toute la gaule. C'est donc dans ce mélange variable de gaulois et de latin que s'infiltrèrent peu à peu d'autres envahisseurs venus du nord, occupation larvée du IIème au IIIème siècle dans le nord, puis relativement massive du III au IVème siècle. Notre patois est donc particularisé par un mélange relativement tardif de gaulois et de latin ( vers 58 av JC ) mis au contact très tôt, vers le IIème siècle avec la langue germanique des envahisseurs Francs ( Francs pour le Nord, Burgondes venant du nord-est de l'Europe pour la région nord-est de la Gaule et Wisigoths venant de l'est de l'Europe pour le sud de la Gaule...). De ce fait, on peut donc dire que notre patois sera un peu moins latin que le français mais un peu plus ' Franc' !

On retrouve dans le français, quelques centaines de mots dont l'origine germanique est avérée. Ce sont principalement des termes liés à la guerre et la chevalerie, à la vie des champs, aux artisans et à la vie domestique. Envahis et occupés bien plus tôt que les autres français par ces peuplades nordiques, notre patois a dû garder des mots que le français n'a plus utilisés ; en francique, machoire se dit ' kifel ' qui au XIIIème siècle à donné ' gife ou gifle ' , que l'on retrouve dans notre ' té vas avoir min point din t'gife = tu vas avoir mon point dans la figure !! ' de même, ' grinan ' en francique signifie plisser les lèvres en montrant les dents, a donné ' grignart ' au XIIème siècle, qui signifie " qui montre les dents, de mauvaise humeur " et que l'on retrouve dans notre patois : ' in grignard ch'est in grognou = un pleurnichard c'est un pleurnichard '.etc....

Outre les mots qu'ils nous ont laissés, les Francs ont eu aussi une influence sur la prononciation générale du français et encore plus de notre patois, cet effet se retrouve par exemple dans les mots en 'h' ( d'origine germanique ) pour qui on ne fait pas de liaison [ une hache, des haches ] alors que pour les mots d'orignie latine, cette liason se fait [ un homme, des hommes ]. Le 'e' muet terminal est aussi un autre exemple de cette influence germanique : 'toile ' par exemple se dit 'toil' et non 'toi-le'...la disparition de ce 'e' final, étant encore bien plus marquée dans notre patois : par exemple le français dit encore ' profitable = pro fi ta ble ' et le 'ble' est toujours bien prononcé, chez nous, le 'e' de 'ble' a vite disparu, le 'bl' résiduel difficile à prononcer est vite devenu 'p' , d'où notre ' profitape' où le 'e' n'est pas prononcé.

Enfin, la position de l'adjectif est aussi une marque de ces anciennes invasions, en francique comme en anglais ou en allemand, les adjectifs précèdent le nom, et cette particularité est restée plus marquée dans le nord de la Gaule que dans le centre ou surtout le sud. On peut retrouver cette inversion ( par rapport au français ) dans certaines locutions de la vie courante mais surtout dans les noms de lieux ( rue des Blancs Mouchons, ) et de villages. Les ' Villeneuve = ville + neuve ' pullulent dans le sud, alors que chez nous ce sera bien plus souvent les ' Neuville = neuve + ville ', idem pour les Hautmont, Grandville, Hautvillers, Wissant, etc...



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MessageSujet: Re: Courte histoire de notre patois   Courte histoire de notre patois EmptyDim 3 Juil - 19:30



Les toponymes issus de cette période, sont chez nous, beaucoup plus nombreux que dans le sud. On retrouve ainsi le nom même des envahisseurs, les Alains dans Allaines (80), les Allemands, bien avant la création de l'Allemagne, à Allemant (02), les Francs à Frencq (62) ou Francorchamps(Belgique). Par ailleurs, nombreuses sont les racines germaniques, ayant donné le nom de nos villages, pour ne donner que quelques exemples, citons la racine 'baki = ruisseau ' qui a donné tous les noms en 'bach' en Alsace, mais aussi, chez nous : Wambais(59), Wambez(60), Steenbecque(59), Roubaix(59), Rebetz(60), Rebecques et Robecq (59), etc...la racine ' bronn = source ', racine elle-même d'origine pré celtique, qui a donné Thiembronne(62), Borre(59), Lisbourg(62), etc..la racine ' lar, lari = lande, clairière ' a donné : Boufflers(80), Canlers(62), Mouflers et Mouflières(80), Oxelaere(59), etc...Ces quelques exemples doivent nous convaincre que cet apport linguistique, venant du Nord et de l'Est de l'Europe, est l'une des composantes importantes des parlers de notre région.

Christianisation et latinisation :

Tout le monde (?) se souvient que Clovis se convertit au christianisme, en grande pompe, on était en l'an 496. Cet évènement allait marquer une évolution certaine au niveau du langage, le latin, langue de l'église, prenant peu à peu le pas sur toutes ces mozaïques de parlers qui constituaient alors le royaume franc de Clovis. Cette évolution ne se fit pas en un jour, et cette emprise progressive du latin, sur des langues déjà bien vigoureuses, ne se fit jamais complètement. Même les efforts de Charlemagne, qui pourtant parlait un dialecte germanique, pour imposer le latin classique, furent impuissants, le gallo-roman allait triompher.

Cette période, est l'une des plus intéressantes pour les linguistes, elle est riche en néologismes, en évolutions, et même en révolutions de toutes sortes ; des documents comme ' les gloses de Reichenau ', 'les gloses de Cassel', ' les serments de Strasbourg' ou encore 'le Cantilène de Sainte Eulalie ' [ présenté sur ce site ] furent déterminants pour pister toutes ces évolutions dont sont issu, non seulement le français mais aussi les patois comme le nôtre.

Il serait utopique, de vouloir présenter une étude comparée du français et du picard à cette époque, même serait elle succinte. Donnons-en quelques pistes à titre d'exemple. On a vu ( voir les conjugaisons en chti ) que contrairement à la plupart des autres temps, le futur se déclinait de la mème façon en chti et en français, il est formé au moyen de l'infinitif des verbes suivi des formes conjuguées du verbe avoir : ' je prindre ai - té prindre as etc...', cette façon de conjuguer ce que l'on a appelé le nouveau futur, par opposition à la forme latine pure, existe déjà au IXème siècle mais est probablement antérieure à cette période puisque toutes les langues romanes l'ont utilisée. On voit donc, que comme toutes les autres langues romanes, le picard s'est lui aussi modernisé, suivant une évolution parallèle.

Une autre investigation très intéressante concerne l'évolution de la façon de prononcer les mots, c'est ce qui explique pourquoi, par exemple certains diront j'ai d'ma, ou j'ai d'mau, ou j'ai du mal....Certains pourraient croire que celui qui dit " j'ai d'ma à mes yus " parle comme celà parce qu'il déforme le français qu'il a appris, or, il n'en est rien, il parle comme celà parce que, dans sa région, la prononciation a évoluée différemment de celle de l'Ile de France. Ce dernier exemple est d'ailleurs très illustratif de ce type d'évolution ; en latin, puis en ancien français, comme chez nous, le 'l' ne se prononçait pas comme aujourd'hui mais quelque chose comme le son 'ou' [ écouter un portugais dire Portugal ! ], ce passage du 'l' au ''ou' ou 'au' est une caractéristique bien connue des phonéticiens, il est dû au fait que ces trois phonèmes sont émis dans des domaines très proches dans notre cavité buccale. Cette mécanique de la prononciation explique donc la formation des pluriels des mots en 'al' comme mal ou cheval [ le français a dit : maou ou maau qui est redevenu mal, et au pluriel : maouss ou maauss d'où ce qui a fait maux ], chez le picard, le maau est resté ou s'est même encore atténué : mal-maau-mau-ma , cheval, chevaau, cheva...sans parler de l'évolution du 'ch' en 'qu' !!! Pour conclure brièvement sur ce point, imaginez la difficulté de faire dire ' mon fisse ' à un étranger qui lit ' mon fils ', nous, au moins, en chti, on en est resté au ' fieu ', lointain souvenir de ce 'l' que l'on avait la flemme de prononcer !!

C'est à cette période que nous devons les complexités et les richesses du français ( comme du patois ! ) ; l'usage commun d'une part et les gardiens du bon usage, donc des formes latines pures d'autre part, nous ont légués ces redondances que nous utilisons chaque jour sans y prendre garde, pourquoi père fait paternel, quelle différence y-a-t'il entre hôtel et hôpital, fragile et frèle, muter et muer, natif et naïf, voter et vouer, penser et peser, vitre et verre, etc, etc....On en verra d'autres exemples dans notre vocabulaire.

Les Scandinaves et l'invasion normande :

La langue des Vikings a peu influencé le français et encore moins notre patois, si beaucoup de normands en sont issus, ils ont, comme on dit, gardé la langue de leurs mères autochtones, langue qui devait être assez proche du picard ! Pour la petite histoire, qui va quand même de 900 à 1500 environ, on retiendra que c'est surtout les anglais qui en subirent le contrecoup avec l'invasion normande, à qui l'on doit la plupart des mots et racines d'origine française ' empruntés' par nos voisins d'outre-Manche ! , Retenons quand même, pour nos Calaisiens et autres Boulonnais, le ' turbot ' et la ' vague ', maigre butin qu'ils ont pû garder de ces invasions tardives !



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