Poésies et Humour |
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| Jean de La Fontaine. | |
| | Auteur | Message |
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Francky
Nombre de messages : 21 Date d'inscription : 01/12/2004
| Sujet: Jean de La Fontaine. Mer 1 Déc - 11:39 | |
| La poule aux oeufs d'or
L'avarice perd tout en voulant tout gagner. Je ne veux, pour le témoigner, Que celui dont la poule, à ce que dit la fable, Pondait tous les jours un oeuf d'or. Il crut que dans son corps elle avait un trésor. Il la tua, l'ouvrit, et la trouva semblable A celles dont les oeufs ne lui rapporteraient rien, S'étant lui-même ôté le plus beau de son bien. Belle leçon pour les gens chiches ! Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus Qui du soir au matin sont pauvres devenus Pour vouloir trop tôt être riches !
Dernière édition par le Jeu 2 Déc - 11:25, édité 1 fois | |
| | | Francky
Nombre de messages : 21 Date d'inscription : 01/12/2004
| Sujet: Re: Jean de La Fontaine. Jeu 2 Déc - 11:25 | |
| Le Pot de fer proposa Au Pot de terre un voyage. Celui-ci s'en excusa, Disant qu'il ferait que sage De garder le coin du feu : Car il lui fallait si peu, Si peu, que la moindre chose De son débris serait cause. Il n'en reviendrait morceau. Pour vous, dit-il, dont la peau Est plus dure que la mienne, Je ne vois rien qui vous tienne. - Nous vous mettrons à couvert, Repartit le Pot de fer. Si quelque matière dure Vous menace d'aventure, Entre deux je passerai, Et du coup vous sauverai. Cette offre le persuade. Pot de fer son camarade Se met droit à ses côtés. Mes gens s'en vont à trois pieds, Clopin-clopant comme ils peuvent, L'un contre l'autre jetés Au moindre hoquet qu'ils treuvent. Le Pot de terre en souffre ; il n'eut pas fait cent pas Que par son compagnon il fut mis en éclats, Sans qu'il eût lieu de se plaindre. Ne nous associons qu'avecque nos égaux. Ou bien il nous faudra craindre Le destin d'un de ces Pots.
Jean de la Fontaine | |
| | | Kévin Éloquent
Nombre de messages : 119 Date d'inscription : 10/06/2005
| Sujet: Re: Jean de La Fontaine. Jeu 7 Juil - 14:44 | |
| La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Boeuf
Une Grenouille vit un Boeuf Qui lui sembla de belle taille. Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un oeuf, Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille, Pour égaler l'animal en grosseur, Disant : "Regardez bien, ma soeur ; Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ? - Nenni. - M'y voici donc ? - Point du tout. - M'y voilà ? - Vous n'en approchez point.". La chétive pécore S'enfla si bien qu'elle creva. Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages : Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs, Tout petit prince a des ambassadeurs, Tout marquis veut avoir des pages. | |
| | | Kévin Éloquent
Nombre de messages : 119 Date d'inscription : 10/06/2005
| Sujet: Re: Jean de La Fontaine. Jeu 7 Juil - 14:45 | |
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L'Astrologue qui se laisse tomber dans un puits Un Astrologue un jour se laissa choir Au fond d'un puits. On lui dit : "Pauvre bête, Tandis qu'à peine à tes pieds tu peux voir, Penses-tu lire au-dessus de ta tête ? " Cette aventure en soi, sans aller plus avant, Peut servir de leçon à la plupart des hommes. Parmi ce que de gens sur la terre nous sommes, Il en est peu qui fort souvent Ne se plaisent d'entendre dire Qu'au livre du Destin les mortels peuvent lire. Mais ce livre, qu'Homère et les siens ont chanté, Qu'est-ce, que le Hasard parmi l'Antiquité, Et parmi nous la Providence ? Or du Hasard il n'est point de science : S'il en était, on aurait tort De l'appeler hasard, ni fortune, ni sort, Toutes choses très incertaines. Quant aux volontés souveraines De Celui qui fait tout, et rien qu'avec dessein, Qui les sait, que lui seul ? Comment lire en son sein ? Aurait-il imprimé sur le front des étoiles Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles ? A quelle utilité ? Pour exercer l'esprit De ceux qui de la Sphère et du Globe ont écrit ? Pour nous faire éviter des maux inévitables ? Nous rendre, dans les biens, de plaisir incapables ? Et causant du dégoût pour ces biens prévenus, Les convertir en maux devant qu'ils soient venus ? C'est erreur, ou plutôt c'est crime de le croire. Le Firmament se meut ; les Astres font leur cours, Le Soleil nous luit tous les jours, Tous les jours sa clarté succède à l'ombre noire, Sans que nous en puissions autre chose inférer Que la nécessité de luire et d'éclairer, D'amener les saisons, de mûrir les semences, De verser sur les corps certaines influences. Du reste, en quoi répond au sort toujours divers Ce train toujours égal dont marche l'Univers ? Charlatans, faiseurs d'horoscope, Quittez les cours des Princes de l'Europe ; Emmenez avec vous les souffleurs tout d'un temps : Vous ne méritez pas plus de foi que ces gens. Je m'emporte un peu trop : revenons à l'histoire De ce Spéculateur qui fut contraint de boire. Outre la vanité de son art mensonger, C'est l'image de ceux qui bâillent aux chimères, Cependant qu'ils sont en danger, Soit pour eux, soit pour leurs affaires.
Dernière édition par le Mar 12 Juil - 15:54, édité 1 fois | |
| | | Kévin Éloquent
Nombre de messages : 119 Date d'inscription : 10/06/2005
| Sujet: Re: Jean de La Fontaine. Jeu 7 Juil - 14:46 | |
| Le Loup et le Chien
Un Loup n'avait que les os et la peau, Tant les chiens faisaient bonne garde. Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau, Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégarde. L'attaquer, le mettre en quartiers, Sire Loup l'eût fait volontiers ; Mais il fallait livrer bataille, Et le Mâtin était de taille A se défendre hardiment. Le Loup donc l'aborde humblement, Entre en propos, et lui fait compliment Sur son embonpoint, qu'il admire. "Il ne tiendra qu'à vous beau sire, D'être aussi gras que moi, lui repartit le Chien. Quittez les bois, vous ferez bien : Vos pareils y sont misérables, Cancres, haires, et pauvres diables, Dont la condition est de mourir de faim. Car quoi ? rien d'assuré : point de franche lippée : Tout à la pointe de l'épée. Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. " Le Loup reprit : "Que me faudra-t-il faire ? - Presque rien, dit le Chien, donner la chasse aux gens Portants bâtons, et mendiants ; Flatter ceux du logis, à son Maître complaire : Moyennant quoi votre salaire Sera force reliefs de toutes les façons : Os de poulets, os de pigeons, Sans parler de mainte caresse. " Le Loup déjà se forge une félicité Qui le fait pleurer de tendresse. Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé. "Qu'est-ce là ? lui dit-il. - Rien. - Quoi ? rien ? - Peu de chose. - Mais encor ? - Le collier dont je suis attaché De ce que vous voyez est peut-être la cause. - Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas Où vous voulez ? - Pas toujours ; mais qu'importe ? - Il importe si bien, que de tous vos repas Je ne veux en aucune sorte, Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. " Cela dit, maître Loup s'enfuit, et court encor. | |
| | | Kévin Éloquent
Nombre de messages : 119 Date d'inscription : 10/06/2005
| Sujet: Re: Jean de La Fontaine. Jeu 7 Juil - 14:46 | |
| La Génisse, la Chèvre, et la Brebis, en société avec le Lion
La Génisse, la Chèvre, et leur soeur la Brebis, Avec un fier Lion, seigneur du voisinage, Firent société, dit-on, au temps jadis, Et mirent en commun le gain et le dommage. Dans les lacs de la Chèvre un Cerf se trouva pris. Vers ses associés aussitôt elle envoie. Eux venus, le Lion par ses ongles compta, Et dit : "Nous sommes quatre à partager la proie. " Puis en autant de parts le Cerf il dépeça ; Prit pour lui la première en qualité de Sire : "Elle doit être à moi, dit-il ; et la raison, C'est que je m'appelle Lion : A cela l'on n'a rien à dire. La seconde, par droit, me doit échoir encor : Ce droit, vous le savez, c'est le droit du plus fort Comme le plus vaillant, je prétends la troisième. Si quelqu'une de vous touche à la quatrième, Je l'étranglerai tout d'abord. " | |
| | | Kévin Éloquent
Nombre de messages : 119 Date d'inscription : 10/06/2005
| Sujet: Re: Jean de La Fontaine. Jeu 7 Juil - 14:47 | |
| La Besace
Jupiter dit un jour : "Que tout ce qui respire S'en vienne comparaître aux pieds de ma grandeur : Si dans son composé quelqu'un trouve à redire, Il peut le déclarer sans peur ; Je mettrai remède à la chose. Venez, Singe ; parlez le premier, et pour cause. Voyez ces animaux, faites comparaison De leurs beautés avec les vôtres. Etes-vous satisfait? - Moi ? dit-il, pourquoi non ? N'ai-je pas quatre pieds aussi bien que les autres ? Mon portrait jusqu'ici ne m'a rien reproché ; Mais pour mon frère l'Ours, on ne l'a qu'ébauché : Jamais, s'il me veut croire, il ne se fera peindre. " L'Ours venant là-dessus, on crut qu'il s'allait plaindre. Tant s'en faut : de sa forme il se loua très fort Glosa sur l'Eléphant, dit qu'on pourrait encor Ajouter à sa queue, ôter à ses oreilles ; Que c'était une masse informe et sans beauté. L'Eléphant étant écouté, Tout sage qu'il était, dit des choses pareilles. Il jugea qu'à son appétit Dame Baleine était trop grosse. Dame Fourmi trouva le Ciron trop petit, Se croyant, pour elle, un colosse. Jupin les renvoya s'étant censurés tous, Du reste, contents d'eux ; mais parmi les plus fous Notre espèce excella ; car tout ce que nous sommes, Lynx envers nos pareils, et Taupes envers nous, Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes : On se voit d'un autre oeil qu'on ne voit son prochain. Le Fabricateur souverain Nous créa Besaciers tous de même manière, Tant ceux du temps passé que du temps d'aujourd'hui : Il fit pour nos défauts la poche de derrière, Et celle de devant pour les défauts d'autrui. | |
| | | Francoise
Nombre de messages : 10 Date d'inscription : 09/07/2005
| Sujet: Re: Jean de La Fontaine. Mar 12 Juil - 12:53 | |
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La Cour du Lion
Sa Majesté Lionne un jour voulut connaître De quelles nations le Ciel l'avait fait maître. Il manda donc par députés Ses vassaux de toute nature, Envoyant de tous les côtés Une circulaire écriture, Avec son sceau. L'écrit portait Qu'un mois durant le Roi tiendrait Cour plénière, dont l'ouverture Devait être un fort grand festin, Suivi des tours de Fagotin. Par ce trait de magnificence Le Prince à ses sujets étalait sa puissance. En son Louvre il les invita. Quel Louvre ! un vrai charnier, dont l'odeur se porta D'abord au nez des gens. L'Ours boucha sa narine : Il se fût bien passé de faire cette mine, Sa grimace déplut. Le Monarque irrité L'envoya chez Pluton faire le dégoûté. Le Singe approuva fort cette sévérité, Et flatteur excessif il loua la colère Et la griffe du Prince, et l'antre, et cette odeur : Il n'était ambre, il n'était fleur, Qui ne fût ail au prix. Sa sotte flatterie Eut un mauvais succès, et fut encore punie. Ce Monseigneur du Lion-là Fut parent de Caligula. Le Renard étant proche : Or çà, lui dit le Sire, Que sens-tu ? dis-le-moi : parle sans déguiser. L'autre aussitôt de s'excuser, Alléguant un grand rhume : il ne pouvait que dire Sans odorat ; bref, il s'en tire. Ceci vous sert d'enseignement : Ne soyez à la cour, si vous voulez y plaire, Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère, Et tâchez quelquefois de répondre en Normand.
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| | | Malik
Nombre de messages : 11 Date d'inscription : 30/07/2005
| Sujet: Re: Jean de La Fontaine. Sam 30 Juil - 23:55 | |
| La cigale , ayant chanté Tout l'été, Se trouva fort dépourvue Quand la bise fut venue. Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau Elle alla crier famine Chez la fourmi sa voisine, La priant de lui prêter Quelque grain pour subsister Jusqu'à la saison nouvelle «Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l'oût , foi d'animal, Intérêt et principal .» La fourmi n'est pas prêteuse ; C'est là son moindre défaut. «Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle à cette emprunteuse. Nuit et jour à tout venant Je chantais, ne vous déplaise. - Vous chantiez ? j'en suis fort aise. Eh bien : dansez maintenant.»
Jean de La Fontaine | |
| | | Solène Éloquent
Nombre de messages : 4229 Date d'inscription : 06/10/2004
| Sujet: Re: Jean de La Fontaine. Dim 11 Sep - 23:14 | |
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Le coq et le renard Sur la branche d'un arbre était en sentinelle Un vieux coq adroit et matois. « Frère, dit un renard, adoucissant sa voix, Nous ne sommes plus en querelle: Paix générale cette fois. Je viens te l'annoncer, descends, que je t'embrasse. Ne me retarde point, de grâce: Je dois faire aujourd'hui vingt postes sans manquer. Les tiens et toi pouvez vaquer Sans nulle crainte à vos affaires; Nous vous y servirons en frères. Faites-en les feux dès ce soir, Et cependant, viens recevoir Le baiser d'amour fraternelle. - Ami, reprit le coq, je ne pouvais jamais Apprendre une plus douce et meilleure nouvelle Que celle De cette paix; Et ce m'est une double joie De la tenir de toi. Je vois deux lévriers, Qui, je m'assure, sont courriers Que pour ce sujet on envoie. Ils vont vite et seront dans un moment à nous Je descends: nous pourrons nous entre-baiser tous. - Adieu, dit le renard, ma traite est longue à faire, Nous nous réjouirons du succès de l'affaire Une autre fois.» Le galand aussitôt Tire ses grègues, gagne au haut, Mal content de son stratagème. Et notre vieux coq en soi-même Se mit à rire de sa peur; Car c'est double plaisir de tromper le trompeur. Le loup devenu berger Un loup, qui commençait d'avoir petite part Aux brebis de son voisinage, Crut qu'il fallait s'aider de la peau du renard, Et faire un nouveau personnage. Il s'habille en berger, endosse un hoqueton, Fait sa houlette d'un bâton, Sans oublier la cornemuse. Pour pousser jusqu'au bout la ruse, Il aurait volontiers écrit sur son chapeau: «C'est moi qui suis Guillot , berger de ce troupeau.» Sa personne étant ainsi faite, Et ses pieds de devant posés sur sa houlette, Guillot le sycophante approche doucement. Guillot, le vrai Guillot, étendu sur l'herbette, Dormait alors profondément; Son chien dormait aussi, comme aussi sa musette: La plupart des brebis dormaient pareillement. L'hypocrite les laissa faire; Et pour pouvoir mener vers son fort les brebis, Il voulut ajouter la parole aux habits, Chose qu'il croyait nécessaire. Mais cela gâta son affaire, Il ne put du pasteur contrefaire la voix. Le ton dont il parla fit retentir les bois, Et découvrit tout le mystère. Chacun se réveille à ce son, Les brebis, le chien, le garçon. Le pauvre loup dans cet esclandre, Empêché par son hoqueton, Ne put ni fuir, ni se défendre. Toujours par quelque endroit fourbes se laissent prendre Quiconque est loup agisse en loup: C'est le plus certain de beaucoup.
La perdrix et les coqs Parmi de certains coqs incivils, peu galants, Toujours en noise, et turbulents, Une perdrix était nourrie. Son sexe et l'hospitalité, De la part de ces coqs, peuple à l'amour porté, Lui faisaient espérer beaucoup d'honnêteté: Ils feraient les honneurs de la ménagerie. Ce peuple cependant, fort souvent en furie, Pour la dame étrangère ayant peu de respect, Lui donnait fort souvent d'horribles coups de bec. D'abord elle en fut affligée ; Mais, sitôt qu'elle eût vu cette troupe enragée S'entre-battre elle même et se percer les flancs ; Elle se consola. « Ce sont leurs moeurs, dit-elle ; Ne les accusons point, plaignons plutôt ces gens : Jupiter sur un seul modèle N'a pas formé tous les esprits ; Il est des naturels de coqs et de perdrix. En plus honnête compagnie. Le maître de ces lieux en ordonne autrement ; Il nous prend avec des tonnelles, Nous loge avec des coqs, et nous coupe les ailes : C'est de l'homme qu'il faut se plaindre seulement. »
L'Hirondelle et les petits Oiseaux
Une Hirondelle en ses voyages Avait beaucoup appris. Quiconque a beaucoup vu Peut avoir beaucoup retenu. Celle-ci prévoyait jusqu'aux moindres orages, Et devant qu'ils fussent éclos, Les annonçait aux Matelots. Il arriva qu'au temps que le chanvre se sème, Elle vit un manant en couvrir maints sillons. "Ceci ne me plaît pas, dit-elle aux Oisillons : Je vous plains ; car pour moi, dans ce péril extrême, Je saurai m'éloigner, ou vivre en quelque coin. Voyez-vous cette main qui par les airs chemine ? Un jour viendra, qui n'est pas loin, Que ce qu'elle répand sera votre ruine. De là naîtront engins à vous envelopper, Et lacets pour vous attraper, Enfin mainte et mainte machine Qui causera dans la saison Votre mort ou votre prison : Gare la cage ou le chaudron ! C'est pourquoi, leur dit l'Hirondelle, Mangez ce grain; et croyez-moi. " Les Oiseaux se moquèrent d'elle : Ils trouvaient aux champs trop de quoi. Quand la chènevière fut verte, L'Hirondelle leur dit : "Arrachez brin à brin Ce qu'a produit ce maudit grain, Ou soyez sûrs de votre perte. - Prophète de malheur, babillarde, dit-on, Le bel emploi que tu nous donnes ! Il nous faudrait mille personnes Pour éplucher tout ce canton. " La chanvre étant tout à fait crue, L'Hirondelle ajouta : "Ceci ne va pas bien; Mauvaise graine est tôt venue. Mais puisque jusqu'ici l'on ne m'a crue en rien, Dès que vous verrez que la terre Sera couverte, et qu'à leurs blés Les gens n'étant plus occupés Feront aux oisillons la guerre ; Quand reginglettes et réseaux Attraperont petits Oiseaux, Ne volez plus de place en place, Demeurez au logis, ou changez de climat : Imitez le Canard, la Grue, et la Bécasse. Mais vous n'êtes pas en état De passer, comme nous, les déserts et les ondes, Ni d'aller chercher d'autres mondes ; C'est pourquoi vous n'avez qu'un parti qui soit sûr : C'est de vous renfermer aux trous de quelque mur. " Les Oisillons, las de l'entendre, Se mirent à jaser aussi confusément Que faisaient les Troyens quand la pauvre Cassandre Ouvrait la bouche seulement. Il en prit aux uns comme aux autres : Maint oisillon se vit esclave retenu. Nous n'écoutons d'instincts que ceux qui sont les nôtres, Et ne croyons le mal que quand il est venu.
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| | | Solène Éloquent
Nombre de messages : 4229 Date d'inscription : 06/10/2004
| Sujet: Re: Jean de La Fontaine. Dim 11 Sep - 23:16 | |
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La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Boeuf
Une Grenouille vit un Boeuf Qui lui sembla de belle taille. Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un oeuf, Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille, Pour égaler l'animal en grosseur, Disant : "Regardez bien, ma soeur ; Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ? - Nenni. - M'y voici donc ? - Point du tout. - M'y voilà ? - Vous n'en approchez point.". La chétive pécore S'enfla si bien qu'elle creva. Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages : Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs, Tout petit prince a des ambassadeurs, Tout marquis veut avoir des pages.
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| | | Solène Éloquent
Nombre de messages : 4229 Date d'inscription : 06/10/2004
| Sujet: Re: Jean de La Fontaine. Dim 11 Sep - 23:17 | |
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Le Rat de ville et le Rat des champs
Autrefois le Rat de ville Invita le Rat des champs, D'une façon fort civile, A des reliefs d'Ortolans. Sur un Tapis de Turquie Le couvert se trouva mis. Je laisse à penser la vie Que firent ces deux amis. Le régal fut fort honnête, Rien ne manquait au festin ; Mais quelqu'un troubla la fête Pendant qu'ils étaient en train. A la porte de la salle Ils entendirent du bruit : Le Rat de ville détale ; Son camarade le suit. Le bruit cesse, on se retire : Rats en campagne aussitôt ; Et le citadin de dire : Achevons tout notre rôt. - C'est assez, dit le rustique ; Demain vous viendrez chez moi : Ce n'est pas que je me pique De tous vos festins de Roi ; Mais rien ne vient m'interrompre : Je mange tout à loisir. Adieu donc ; fi du plaisir Que la crainte peut corrompre.
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| | | Solène Éloquent
Nombre de messages : 4229 Date d'inscription : 06/10/2004
| Sujet: Re: Jean de La Fontaine. Dim 11 Sep - 23:19 | |
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L'Hirondelle et les petits Oiseaux
Une Hirondelle en ses voyages Avait beaucoup appris. Quiconque a beaucoup vu Peut avoir beaucoup retenu. Celle-ci prévoyait jusqu'aux moindres orages, Et devant qu'ils fussent éclos, Les annonçait aux Matelots. Il arriva qu'au temps que le chanvre se sème, Elle vit un manant en couvrir maints sillons. "Ceci ne me plaît pas, dit-elle aux Oisillons : Je vous plains ; car pour moi, dans ce péril extrême, Je saurai m'éloigner, ou vivre en quelque coin. Voyez-vous cette main qui par les airs chemine ? Un jour viendra, qui n'est pas loin, Que ce qu'elle répand sera votre ruine. De là naîtront engins à vous envelopper, Et lacets pour vous attraper, Enfin mainte et mainte machine Qui causera dans la saison Votre mort ou votre prison : Gare la cage ou le chaudron ! C'est pourquoi, leur dit l'Hirondelle, Mangez ce grain; et croyez-moi. " Les Oiseaux se moquèrent d'elle : Ils trouvaient aux champs trop de quoi. Quand la chènevière fut verte, L'Hirondelle leur dit : "Arrachez brin à brin Ce qu'a produit ce maudit grain, Ou soyez sûrs de votre perte. - Prophète de malheur, babillarde, dit-on, Le bel emploi que tu nous donnes ! Il nous faudrait mille personnes Pour éplucher tout ce canton. " La chanvre étant tout à fait crue, L'Hirondelle ajouta : "Ceci ne va pas bien; Mauvaise graine est tôt venue. Mais puisque jusqu'ici l'on ne m'a crue en rien, Dès que vous verrez que la terre Sera couverte, et qu'à leurs blés Les gens n'étant plus occupés Feront aux oisillons la guerre ; Quand reginglettes et réseaux Attraperont petits Oiseaux, Ne volez plus de place en place, Demeurez au logis, ou changez de climat : Imitez le Canard, la Grue, et la Bécasse. Mais vous n'êtes pas en état De passer, comme nous, les déserts et les ondes, Ni d'aller chercher d'autres mondes ; C'est pourquoi vous n'avez qu'un parti qui soit sûr : C'est de vous renfermer aux trous de quelque mur. " Les Oisillons, las de l'entendre, Se mirent à jaser aussi confusément Que faisaient les Troyens quand la pauvre Cassandre Ouvrait la bouche seulement. Il en prit aux uns comme aux autres : Maint oisillon se vit esclave retenu. Nous n'écoutons d'instincts que ceux qui sont les nôtres, Et ne croyons le mal que quand il est venu.
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| | | Solène Éloquent
Nombre de messages : 4229 Date d'inscription : 06/10/2004
| Sujet: Re: Jean de La Fontaine. Dim 11 Sep - 23:21 | |
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Les femmes et le secret, Jean de La Fontaine
Rien ne pèse tant qu'un secret Le porter loin est difficile aux Dames : Et je sais même sur ce fait Bon nombre d'hommes qui sont femmes. Pour éprouver la sienne un mari s'écria La nuit étant près d'elle : O dieux ! qu'est-ce cela ? Je n'en puis plus ; on me déchire ; Quoi j'accouche d'un oeuf ! - D'un oeuf ? - Oui, le voilà Frais et nouveau pondu. Gardez bien de le dire : On m'appellerait poule. Enfin n'en parlez pas. La femme neuve sur ce cas, Ainsi que sur mainte autre affaire, Crut la chose, et promit ses grands dieux de se taire. Mais ce serment s'évanouit Avec les ombres de la nuit. L'épouse indiscrète et peu fine, Sort du lit quand le jour fut à peine levé : Et de courir chez sa voisine. Ma commère, dit-elle, un cas est arrivé : N'en dites rien surtout, car vous me feriez battre. Mon mari vient de pondre un oeuf gros comme quatre. Au nom de Dieu gardez-vous bien D'aller publier ce mystère. - Vous moquez-vous ? dit l'autre : Ah ! vous ne savez guère Quelle je suis. Allez, ne craignez rien. La femme du pondeur s'en retourne chez elle. L'autre grille déjà de conter la nouvelle : Elle va la répandre en plus de dix endroits. Au lieu d'un oeuf elle en dit trois. Ce n'est pas encore tout, car une autre commère En dit quatre, et raconte à l'oreille le fait, Précaution peu nécessaire, Car ce n'était plus un secret. Comme le nombre d'oeufs, grâce à la renommée, De bouche en bouche allait croissant, Avant la fin de la journée Ils se montaient à plus d'un cent.
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