La protestation de Dieu
Dieu parle. D'un couvert à l'autre de la bible, c'est l'histoire d'un peuple qui l'entend. Dieu s'immisce dans nos conversations. Dans bien des événements de nos vies, il nous fait signe. La nature, les saisons que nous traversons, font parler Dieu. Comme dit un psaume :
« Les cieux racontent la gloire de Dieu. Le jour au jour en publie le récit. » (Psaume 19,2.3)
Le silence de Dieu
Dieu parle beaucoup. Et pourtant, à un moment ou l'autre de notre vie, nous faisons l'expérience de son silence. Dieu se tait. Et c'est trop souvent dans les pires moments de notre existence. Alors que nous aurions tellement besoin d'une parole, une parole d'encouragement, Dieu se tait: un silence lourd, un silence qui nous écrase, un silence qui nous fait douter de lui. Un silence qui ressemble à de l'indifférence. Un psaume dit:
"Je n'ai d'autre pain que mes larmes, le jour, la nuit, moi qui chaque jour entends dire : "Où est-il ton Dieu?" ".
(Psaume 42,4)
Les apôtres ont vécu un désarroi semblable au soir de la mort de Jésus. Pensons aux disciples d'Emmaüs. Ils avaient une grande espérance. Ils comptaient sur Jésus. Ils avaient cru reconnaître en lui la réaction de Dieu devant leurs misères personnelles et leur drame collectif. Ils se retrouvent devant rien, acculés au désespoir. « Où est-il ton Dieu? » Tout a changé quand Jésus est ressuscité et qu'il s'est retrouvé au milieu d'eux. Le silence de Dieu s'est mis à résonner comme une parole et une parole de vie.
En pensant à cet événement, nous recevons les silences de Dieu aujourd'hui. Nous essayons du moins. Dieu ne se tait pas parce qu'il est indifférent. Dieu se tait parce qu'il veut nous écouter. Nous avons le droit de parler devant lui. Dieu nous reconnaît le droit de crier notre détresse. Et nous avons cette grâce d'être écoutés de lui. Rappelez-vous le drame des Hébreux en Égypte. Dieu dit à Moïse : « J'ai vu la misère de mon peuple et j'ai décidé de l'en délivrer. » (Exode 3,7)
Comme des parents
Dieu est là. Dieu est toujours là. La résurrection de Jésus, c'est la protestation de Dieu devant la mort qui nous afflige et devant tout mal qui nous atteint. Dieu est auprès de nous comme des parents au chevet de leur enfant malade.
Il accompagne. Il écoute. Il porte notre souffrance. Cette attention est plus importante que la guérison elle-même. Le pape Paul VI confiait qu'il avait appris de son père à accorder plus d'importance au sens de la vie qu'à la vie elle-même. Plus que de la santé, nous vivons du sens que nous avons pour les autres, du respect qu'on nous témoigne, de la sollicitude des autres à notre endroit, de leur sympathie. Qu'aurions-nous à faire d'un médecin qui soigne bêtement sans faire attention au malade?
Seigneur, viens à notre secours. Augmente en nous la foi. La foi est un don gratuit de ta part, un cadeau au-delà du bon travail que nous pouvons accomplir comme serviteurs et servantes dans le jardin du royaume. Réveille en nous le don de la foi. Donne-nous-en un peu, gros comme une graine de moutarde. Cela nous suffira pour entendre ton silence. Nous en aurons assez pour nous laisser toucher par ta compassion. Nous prendrons alors courageusement notre part de souffrance pour l'annonce de l'Évangile.
Denis Gagnon, OP
professeur à l'Institut de pastorale, Montréal
chronique du numéro de janvier-février 2000
1er)Qui en parle ?
"Je n'ai d'autre pain que mes larmes, le jour, la nuit, moi qui chaque jour entends dire : "Où est-il ton Dieu?" ".
