SAINT-AIGNAN ET LA LÉGENDE DE BARBE BLEUE
Le vrai patron de Saint-Aignan, oublié, et du reste inconnu est un Saint-Inan dont le nom en ancien breton voudrait dire lumière.
Saint-Aignan lui est natif de la vallée du Rhône et fut évêque d’Orléans. La légende place ici l’un des châteaux du sieur COMORRE et le lieu de son plus sanglant exploit.
Ce prince vivait, dit-on, au VI° siècle de notre ère et régnait sur la Cornouaille et le Poher.
Sa capitale était probablement Carhaix, où son souvenir persiste toujours.
( Au VI° siècle de notre ère, l’oppidum gallo-romain de Carhaix était encore suffisamment puissant pour qu’un seigneur-bandit en fit le point central de ses domaines. Le sanglant Comorre, dont le souvenir s’est perpétué dans toute la Bretagne occidentale, était tierne de Poher. Il dut sa perte à l’action conjuguée de son jeune fils TREMEUR et de saint GILDAS: ceux-ci vengeaient la mort des cinq épouses que le redoutable seigneur avait successivement égorgées. )
Son nom ne nous renseigne guère sur sa véritable identité : c’est un surnom, venant de Konomor, et signifiait « le Grand Chef. »
Sa réputation était effroyable. Il tuait et pillait pour le plaisir. Lorsqu’il se maria avec la douce Tréphine, fille de VAROCH le Comte de Vannes, il avait déjà épousé cinq femmes, qu’il avait assassinées l’une après l’autre... N'ayant pas osé s'opposer à ce puissant seigneur, le Comte de Vannes organisa la cérémonie du mariage avec la bénédiction de Gildas,
La prophétie prétendant qu'il mourrait tué par son fils, il prenait les devant en faisant passer de vie à trépas ses épouses dès q'elles étaient enceintes.
Tout alla bien avec sa nouvelle femme jusqu’au moment où il surprit au retour d'un long périple, sa jeune femme brodant de la layette et apprit de Tréphine qu’elle attendait un enfant. A cette nouvelle, il se mit dans une colère épouvantable et déclara qu’il allait la tuer. En attendant, Il la fit enfermer dans son château de St-Aignan.
Poussée par le désespoir, la malheureuse réussit à s’enfuir. Les émotions la firent accoucher plus tôt que prévu et la jeune mère, prenant le nouveau-né dans ses bras, poursuivit sa course. COMORRE avait découvert l’évasion de sa prisonnière. Sur son cheval, avec ses hommes d’armes, il se lança aux trousses de la fugitive. Ce fut au sommet d’une colline qu’il la rejoignit, et d’un seul coup d’épée, il trancha la tête de Tréphine.
Sans plus s’attarder il repartit, laissant le nourrisson mourir de faim près du cadavre de sa mère, dans la solitude de la forêt.
Or Dieu, disent les bonnes gens, ne permit pas l’accomplissement de cette abomination. Le Seigneur de Vannes miraculeusement prévenu, alerta son ami Saint-Gildas.
( Honoré dans les deux Bretagne sous le nom de Gweltas ou Gildas. Venu d’outre-Manche vers 586, ce moine s’est fait le chroniqueur des malheurs de son peuple à cette époque. Dans son excidio Britanniae, il nous a laissé un tragique récit de l’émigration de ses compatriotes. )
Ils arrivèrent tous deux à grande chevauchée sur les lieux du meurtre. L’illustre abbé n’eut qu’un mot à dire : Tréphine se leva, saisit sa tête d’une main et pris son enfant sur le bras, puis marcha devant les cavaliers vers le château de COMORRE. Sommé par Gildas de recevoir les siens, l’assassin, terré derrière ses murailles ne répondit pas. Alors, l’enfant nouveau-né se dégagea de l’étreinte de sa mère et marcha seul vers la forteresse. Arrivé près du fossé, il prit une poignée de terre et la jeta vers les tours « Voici la justice de la trinité » cria-t-il. A ces mots fatidiques les bastions s’écroulèrent, les courtines s’effondrèrent et le sinistre bandit fut enseveli sous leurs ruines, avec ses complices.
Puis Saint-Gildas replaça la tête de Tréphine sur ses épaules. Quant à l'enfant, il fut baptisé sous le nom de TRÉMEUR.
Plus tard, il devait devenir moine du monastère de Saint Gildas de Rhuys qu’avait fondé son sauveur. ( Le culte de TRÉMEUR, sanctifié par la voix du peuple breton, s’est perpétué à Carhaix. L’église lui est dédiée, et le portail nord possède une statue qui le représente. )
Depuis cette époque, la mère et le fils sont vénérés comme des saints par le peuple breton.
Un amoncellement de pierres sur une colline, au-dessus de Saint-Aignan, marquerait l’emplacement du château. A 3 Km du bourg, une chapelle dédiée à Sainte -Tréphine est bâtie, selon la légende, à l’endroit même où la pauvre femme fut assassinée. On peut s’y rendre en prenant la route D 31 jusqu’au rond-point qui domine le lac artificiel de Guerlédan.
Après avoir admiré la vue magnifique qu’on découvre de ce site, on gravira, par un sentier sur la gauche, une éminence recouverte de pins. A 250 m environ, on arrive au sommet où se dresse, au milieu des arbres, le sanctuaire: Un vitrail du chœur y représente la Sainte et son fils, tenant l’un et l’autre la palme du martyre.